COP21 : Critiques, contraintes et suite de l’accord de Paris

10/11/2015

La COP21 est une réussite dans la mesure où c’est la première fois que tous les pays du globe, et plus seulement les riches, sont d’accord pour être associés à un effort qui les engage. Cependant, certains points de vigilance restent à confirmer.

 

Le « bien en deçà de 2°C »

 

C’est un objectif qui peut sembler abstrait au regard de la trajectoire réelle suivie par les pays jusqu’ici, c’est-à-dire une augmentation de la température d’environ 3°C (par rapport à l’ère pré-industrielle), autrement dit, une catastrophe écologique. Mais le traité final de la COP21 inscrit comme ambition un réchauffement « bien en deçà de 2°C », suivie d’une mention à un objectif idéal de 1,5°C.

Un pari qui sera fort difficile, sinon impossible à tenir, d’autant qu’aucun objectif global chiffré de réduction des gaz n’a été inscrit dans le traité. Mais le fait de l’inscrire noir sur blanc est une étape importante car la société civile est désormais en droit d’exiger des chefs d’Etat une obligation de résultats.

La neutralité carbone


C’est un objectif à atteindre après 2050 : mettre le monde dans une situation de neutralité carbone, c’est-à-dire un état dans lequel toutes les émissions de gaz à effet de serre seront compensées par les « puits de carbone. » Une dernière solution pour atteindre cette neutralité et qui déplaît aux ONG (car c’est une solution technologique possiblement illusoire), consiste à obliger les industries à capter et à stocker le carbone qu’elles émettent.

La révision à la hausse

 

Le traité final de la COP21 a gravé dans le marbre la « clause de révision ». C’est-à-dire que chaque pays est désormais tenu, tous les cinq ans, de faire part de ses engagements en matière de réduction de gaz à effet de serre. Et ceux-ci ne pourront pas être moins ambitieux que les précédents. C’est une avancée importante dans l’histoire de la diplomatie climatique, car c’est la première fois que tous les pays du globe acceptent comme un seul homme le principe de faire des efforts, régulièrement revus à la hausse. Petit bémol : le prochain cycle des engagements n’est pas obligatoire avant 2025, ce qui représente trop de temps perdu pour les ONG.

D’autres points sont encore à accomplir.

Rendre l’accord vraiment contraignant

 

Quand Laurent Fabius affirme que ce traité est « juridiquement contraignant », il énonce une demi-vérité : théoriquement il l’est, mais dans les faits, comment s’assurer que les engagements promis par chaque pays sur tel ou tel calendrier seront bel et bien tenus ? Cela n’est pas encore du ressort de la communauté internationale. Ce sont les lois et les décrets que les Etats décideront eux-mêmes de s’imposer (y compris collectivement, dans le cas de l’Union Européenne) qui feront office de contrainte. Beaucoup, comme Pascal Canfin, directeur général du WWF, rêvent à la mise en place d’une Cour de justice climatique internationale, qui permettrait de contraindre un Etat sous peine de rétorsions financières. Un outil dont, par exemple, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), est doté.

Vérifier les engagements

 

Quand bien même un pays s’essaierait à mettre en œuvre sincèrement les engagements qu’il a pris, quelle structure ira vérifier de manière indépendante que celui-ci mesure correctement ses propres efforts, sans parler de les « enjoliver » pour paraître plus vertueux qu’il ne l’est ? Pour le moment, la question est prématurée et la communauté internationale découvre régulièrement que la Chine (comme, sans doute, bien d’autres nations) a grandement sous-estimé ses émissions charbonnières.

Des financements pérennes pour le Sud

 

La question financière est cruciale dans les négociations climatiques. Pour que la centaine de pays du Sud acceptent d’orienter leur développement économique à venir vers les énergies propres plutôt que vers le tout-fossile (pétrole, gaz, charbon), vers la plantation de forêts et le respect des écosystèmes plutôt que la déforestation et la surpêche, il est nécessaire que des projets de développement « verts » soient financés. C’est le cas jusqu’en 2025, grâce au Fonds vert de l’ONU (100 milliards d’euros par an), qui est financé par les nations historiquement responsables du réchauffement climatique, donc les pays développés. Mais après 2020 ? La COP21 n’a pas réussi à graver dans le marbre un système dans lequel les pays les plus riches (et peut-être d’autres dans un deuxième temps) s’engageraient tous les cinq ans à mettre la main au portefeuille. Après 2025, que se passe-t-il ? Par ailleurs, tout un pan de financements a été oublié : celui de l’adaptation. C’est-à-dire l’ensemble des infrastructures permettant aux contrées les plus vulnérables de résister aux conséquences du réchauffement (digues pour protéger les villes des inondations, bâtiments résistants aux ouragans…). En théorie, l’adaptation est censée représenter 50% des 100 milliards du Fonds vert, afin que les pays en développement ne perdent pas des points de PIB à se protéger de sinistres dont ils ne sont nullement responsables. Dans les faits, les pays développés considèrent cette dépense presque comme de l’humanitaire, et l’envie n’est pas forcément là.

Laisser les énergies fossiles dans le sol

 

Des scientifiques ont publié dans la très sérieuse revue « Nature » une étude indiquant que si le monde veut respecter les 2°C de réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle, il doit se résoudre à ne pas utiliser entre 2010 et 2050 un tiers des réserves pétrolières, la moitié des réserves à gaz et plus de 80% des réserves actuelles de charbon.

Mais comment s’en passer ? Beaucoup d’ONG ont pressé les négociateurs d’inscrire dans le traité de la COP21 l’objectif de 100% d’énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse…) d’ici à 2050. Mais non. Pourtant, pour n’évoquer que l’exemple français, quelques organismes comme l’Ademe ou l’association NégaWatt soutiennent que cet objectif est tenable. Le mot « énergie renouvelable » n’est pour ainsi dire pas présent dans le traité.

Donner un prix au carbone


L’idée de donner un prix au carbone n’est pas présente dans l’accord mais pourtant, cette idée aux contours encore mal définis (taxe ? marché d’échange de carbone ?) pourrait constituer le prélude à une sorte de malus international contre les énergies fossiles.