Rénovation énergétique du tertiaire privé : l’Ademe explore de nouveaux leviers financiers

15/09/2025

Le projet FiRéno+, piloté par l’ADEME avec le Sustainable Finance Observatory, la fondation Res Publica et cofinancé par l’Union européenne, a pour ambition de concevoir et diffuser des solutions de financement pour accélérer la rénovation performante des bâtiments en France.  

Selon une étude publiée fin août par l'Agence de la transition écologique (Ademe), près de 545 milliards d'euros seraient nécessaires d'ici à 2050 pour la rénovation énergétique du parc tertiaire privé (activités marchandes) en France métropolitaine1

 

Un enjeu chiffré et contraint par le décret tertiaire 

Le parc tertiaire privé marchand représente un volume de surface et de consommation énergétique considérable : de l’ordre de 700 millions de m² et environ 170 000 GWh consommés chaque année1. Pour aligner ce parc sur les objectifs climatiques et énergétiques, l’ADEME estime que les besoins d’investissement atteindraient environ 545 milliards d’euros d’ici à 2050 pour la métropole1.
Parallèlement, le Décret Éco Énergie Tertiaire (DEET) fixe des objectifs contraignants de réduction de la consommation d’énergie finale : −40 % en 2030, −50 % en 2040 et −60 % en 2050. Ces deux réalités expliquent l’urgence de repenser les mécanismes de financement. 

 

Pourquoi les rénovations ambitieuses peinent encore à démarrer ? 

Selon l’étude FiRéno+, les dispositifs d’accompagnement favorisent majoritairement des actions techniques simples et à retour rapide (changement d’équipements, chaleur renouvelable, etc.) alors que les rénovations globales — plus lourdes, plus longues et plus coûteuses — restent sous-mobilisées.  

Les freins identifiés sont notamment : le niveau élevé d’investissement initial, des temps de retour parfois trop longs pour certains acteurs, une méconnaissance des dispositifs disponibles, une mauvaise adéquation des aides existantes et un bouclage financier difficile pour une partie des opérations.

 

Adapter les outils existants : des mesures pratiques proposées 


L’étude propose d’abord d’adapter et mieux cibler les mécanismes déjà en place afin de rendre les rénovations ambitieuses plus attractives : 

  • Mieux valoriser les certificats d’économies d’énergie (CEE) sur des équipements « métiers » (cuisson, froid, lavage, vitrines…) : pour certains secteurs ces usages représentent une large part de la consommation mais il n’existe pas toujours de fiches CEE adaptées.
  • Favoriser le financement participatif comme complément pour des projets dont le financement n’est pas totalement bouclé (estimation du montant restant à payer autour de 10–15%).
  • Autoriser une contribution locataire encadrée et ainsi permettre au locataire de participer au financement des travaux via une ligne dédiée sur la quittance de loyer, comme c’est déjà possible dans le secteur résidentiel, à condition que cette participation soit strictement plafonnée et limitée dans le temps.
  • Exonérations conditionnelles des droits de mutation (DMTO) pour permettre aux collectivités d’exonérer, totalement ou partiellement, les droits de mutation à titre onéreux si l’acquéreur s’engage contractuellement à réaliser une rénovation performante, conforme aux objectifs du DEET, dans un délai fixé.
Ces ajustements visent à réduire le reste à charge et à faciliter le bouclage financier des opérations. 

 

Nouveaux leviers : fiscalité, amortissements et acteur ensemblier 

L’étude va plus loin en proposant des instruments plus structurants : 

  • Modulation de la taxe foncière (TFPB) selon la performance énergie-climat : un système local de bonus-malus indexé sur une « valeur pivot » (kWh/m² ou kgCO₂/m²) permettrait d’inciter financièrement à la rénovation ou, à défaut, de pénaliser les bâtiments les plus énergivores.
  • Amortissement avantageux pour les investissements liés à la rénovation énergétique afin d’alléger la charge fiscale au moment où la trésorerie est la plus sollicitée.
  • Création d’un acteur « ensemblier » soit un opérateur chargé de piloter l’ensemble d’un projet de rénovation performante (diagnostic, plan de travaux ambitieux, montage financier, coordination des entreprises, contrat de garantie de performance). Une réponse pour professionnaliser et sécuriser les opérations globales.
  • Élargissement et amélioration des obligations transition (instruments garantis par l’État) pour permettre des financements plus longs et plus adaptés aux projets lourds.


Ces propositions nécessitent toutefois des référentiels précis, des expérimentations locales et une acceptation politique et administrative pour être mises en œuvre. 

 

Réduire le risque : garanties, accompagnement et contrôle de la performance  

Pour convaincre les banques et les investisseurs de financer les rénovations, l’étude de l’Ademe souligne qu’il faut avant tout rassurer ces acteurs en limitant les incertitudes. Cela passe par la mise en place de fonds de garanties après travaux, de labels et référentiels fiables (comme les références DEET ou les labels de rénovation) ainsi que des protocoles permettant de mesurer et de vérifier concrètement les économies d’énergie obtenues.

En complément, il est essentiel de renforcer l’accompagnement technique (audits, assistance à maîtrise d’ouvrage), de clarifier la communication sur les dispositifs existants et de développer la formation des professionnels afin d’accélérer et de généraliser les rénovations performantes.


La rénovation performante du parc tertiaire privé est à la fois nécessaire et réalisable mais elle réclame un changement d’échelle dans les outils de financement. Le projet FiRéno+ et l’étude de l’ADEME montrent qu’il ne suffit plus d’empiler des aides ponctuelles : il faut combiner dispositifs mieux ciblés (CEE métiers, crowdfunding, contribution locataire encadrée, exonérations conditionnelles) et nouveaux leviers structurants (modulation de la taxe foncière, amortissements avantageux, acteurs ensemblier, garanties post-travaux). 

L’objectif est clair : réduire le reste à charge et sécuriser les montages financiers pour rendre attractives les rénovations globales.  

En somme, FiRéno+ dresse une feuille de route opérationnelle. Il ne reste maintenant plus qu’à la traduire en dispositifs concrets, pilotés et financés, pour que la transition énergétique du tertiaire devienne une réalité mesurable et rentable. 

 

Sources : 

1 : Rénovation des bâtiments tertiaires privés : des pistes pour renforcer les financements 
Financement de la rénovation performante des bâtiments tertiaires privés