Le Haut conseil pour le climat : sortie de crise verte et plus juste

28/04/2020

Le 21 avril 2020, le Haut Conseil pour le Climat a publié son rapport intitulé « Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir ». Celui-ci tire les enseignements de la crise sanitaire pour le climat.

 

Haut Conseil pour le Climat-1

Pour rappel le Haut conseil pour le climat (HCC) est une instance indépendante créée en 2019, qui a pour objectif d’évaluer les politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique. Elle est composée de chercheurs et d’économistes.

Les membres du HCC ont d’abord rappelé dans leur rapport que la pandémie est liée au changement climatique et notamment à la pression exercée sur les milieux naturels. C’est pourquoi il recommande, tout comme la Commission européenne, de mettre la transition écologique et la réduction des gaz à effet de serre au cœur de la relance économique.

Même si une baisse des émissions de gaz à effet de serre a été constatée pendant le confinement, il ne s’agit que d’un bref soulagement pour le HCC qui précise que cela ne suffira pas à répondre aux enjeux climatiques. En effet, cette baisse est directement liée à l’arrêt temporaire des déplacements, elle n’est donc pas durable. Un effet rebond est tout à fait envisageable dans ce genre de situation. Le conseil demande donc au gouvernement de poursuivre la trajectoire vers la neutralité carbone déjà établie.

Pour une reprise verte

Attention à ne pas reproduire les erreurs du passé. Alors que le parlement examine le projet de budget rectificatif qui accorde 20 milliards d’euros d’aides pour recapitaliser des entreprises stratégiques en difficulté, le HCC prévient : le plan de relance ne doit pas favoriser les activités polluantes.

La France prévoit d’atteindre la neutralité carbone pour 2050. Pour que cet objectif soit atteint, le Haut Conseil recommande que les aides budgétaires et incitations fiscales aillent en ce sens et que des plans d’investissement compatibles avec la trajectoire bas-carbone soient adoptés.

Le secteur des transports est notamment dans le viseur du conseil. Ce dernier recommande aux filières automobiles de reconvertir les véhicules vers des modèles électriques ou hydrogènes. Le HCC pointe aussi du doigt le manque d’investissements massifs dans le développement du réseau ferré français.

Le conseil souligne également le fait que la rénovation énergétique des logements et des bâtiments tertiaires est vectrice d’emplois, et de ce fait, elle doit être dynamisée. L’institution prépare un rapport uniquement dédié à ce secteur d’activité.

Afin d’arriver à la neutralité carbone, le HCC rappelle que les écosystèmes terrestres et côtiers absorbent environ un cinquième des émissions de carbone annuelles. De ce fait, il est primordial de les préserver, mais aussi de les accroitre.

Enfin, le conseil ne veut pas que la chute du prix du pétrole serve d’excuse pour mettre de côté l’exploitation des énergies renouvelables. Il conseille d’ailleurs d’augmenter les investissements en faveur de la recherche et du développement pour notamment développer les technologies qui permettent de stocker de l’énergie.

Le Haut Conseil pour le Climat appelle à renforcer la synergie entre le climat, l’environnement et la santé. Ainsi ce sont les luttes contre la déforestation et les pollutions qui doivent primer ainsi qu’une évolution des régimes alimentaires et des modes de transports. Le conseil souhaite donc que les mesures budgétaires et incitations fiscales à destination des collectivités et des acteurs privés aillent vers l’adoption de plans d’investissement entrant en corrélation avec la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la trajectoire bas-carbone.

18 recommandations pour une sortie de crise en faveur du climat

Les 18 recommandations du rapport sont des pistes pour reconstruire notre modèle de façon à réduire les risques de catastrophes sanitaires et climatiques :

  1. Renforcer les systèmes d’alerte précoce au sein d’un cadre international fort, et la surveillance et la stratégie de gestion de crise doivent être basées sur des éléments scientifiques.
  2. Renforcer la résilience face aux crises multiples et simultanées par des investissements cohérents avec les priorités définies dans le cadre de Sendaï 2015-2030 pour la réduction des risques de catastrophe.
  3. Compléter l’indicateur de l’exposition aux risques climatiques par des indicateurs de vulnérabilité spécifiques.
  4. Réduire les inégalités sous-jacentes pour renforcer la résilience de l’ensemble de la population et ses capacités d’adaptation.
  5. Intégrer l’urgence climatique à la sortie de crise et la relance pour répondre au choc économique, social, et financier qui s’annonce.
  6. Valoriser les avancées de la Convention citoyenne pour le climat pour faire avancer le débat public.
  7. Inclure les mesures de sortie de crise dans la feuille de route climat de chaque ministre. La mise en œuvre des mesures doit être suivie et évaluée par le Conseil de défense écologique
  8. Incorporer les recommandations publiées par le HCC en 2019, notamment celles sur le Pacte productif, et celles sur l’évaluation, pour une gouvernance efficace et transparente dans le plan d’urgence.
  9. Intégrer les facteurs profonds de la situation actuelle dans la « relance », ce qui orientera vers des transformations profondes qui respectent les enjeux climatiques.
  10. Maximiser les co-bénéfices pour le climat et les écosystèmes et ne pas verrouiller des trajectoires carbonées, car cette « relance » doit être verte, pas grise.
  11. Renforcer les synergies entre climat, environnement et santé (lutte renforcée contre les pollutions, contre la déforestation importée, amélioration nutritionnelle des régimes alimentaires, évolution des modes de transport).
  12. Subordonner à l’adoption explicite de plans d’investissement et de perspectives compatibles avec la trajectoire bas-carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie, l’octroi de mesures budgétaires ou d’incitations fiscales à des acteurs privés ou des collectivités.
  13. Orienter les investissements vers l’innovation sociale comme technologique, l’efficacité énergétique, et les infrastructures résilientes favorisant les usages décarbonés, et les solutions basées sur la santé des écosystèmes.
  14. Faciliter la reconversion des exemptions fiscales et autres subventions aux énergies fossiles, dans les principes de la transition juste grâce au faible prix du pétrole.
  15. Reconvertir la dette vers des investissements destinés à la transition bas carbone.
  16. Compléter la réforme du système européen d’échange de quotas carbone par l’adoption d’un prix-plancher croissant.
  17. Défendre, dans le cadre de l’accord de Paris, l’articulation des plans de relance européens et mondiaux avec les contributions nationalement déterminées qui seront déposées d’ici la fin de l’année, pour éviter un enfermement dans des modèles émissifs.
  18. Maintenir dans les priorités d’importantes évolutions du contexte international comme la lutte contre la déforestation ou le protocole de Montréal.

Pour consulter le rapport, cliquez ici.

Tous les professionnels du climat s’accordent donc à dire que la sortie de crise doit passer par des investissements en faveur de la transition énergétique, source d’emploi, d’économie et d’avenir.