Quel est le modèle financier de la démarche EnergieSprong ?

8/08/2021

Depuis 2016, la France s’est engagée dans un nouveau dispositif pour rénover massivement ses bâtiments : la démarche EnergieSprong. Son déploiement repose sur un engagement à la fois opérationnel, humain et financier qui défend un financement compensé par les économies d’énergie et la valorisation de la production locale d’énergie. ALTEREA vous éclaire.

QUEL EST LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE LA DÉMARCHE ?

La démarche EnergieSprong défend un équilibre économique sans subvention à terme. Afin d’amortir l’investissement sur trente ans, il a été nécessaire de développer le principe d’une rénovation à énergie zéro (E=0) qui consiste à améliorer l’isolation du bâtiment pour réduire les besoins et les consommations d’énergie, et à produire localement des énergies renouvelables afin de compenser annuellement l’énergie consommée.

Les économies d’énergie réalisées par les locataires permettront de financer la rénovation énergétique. Les locataires paient à leur bailleur une contribution équivalente à leur ancienne facture selon deux mécanismes :

  • Dans le premier cas, conformément à la loi MOLLE du 25 mars 2009, une contribution pour le partage des économies d’énergie peut être demandée au locataire. Cette contribution, communément appelée « troisième ligne de quittance », fait l’objet d’une ligne spécifique sur la quittance.
  • Dans le second cas, un forfait énergie, qui prévoie la rétrocession des économies d’énergie du locataire vers le bailleur qui a fait l’investissement, peut naître d’un accord collectif avec les locataires afin que la contribution soit plus importante que la troisième ligne de quittance.

La production locale d’énergie, par l’installation de panneaux photovoltaïques notamment, participe aussi au financement des travaux pour tous les cas suivants :

  • Revente totale;
  • Autoconsommation, individuelle ou collective, permettant de réduire les factures énergétiques des services généraux et/ou des locataires;
  • Autoconsommation par les locataires avec ou sans revente de la surproduction.

LA FRANCE ENGAGÉE DANS LA DÉMARCHE ENERGIESPRONG

Les sources de financements

Comme l’expliquait Emmanuelle Wargon lors du concours d’Innovation EnergieSprong en septembre 2020, GreenFlex a été missionné par les pouvoirs publics pour déployer la démarche en France. Pour ce faire, l’organisme dispose de financements institutionnels nationaux et européens.

Les différentes aides disponibles sont :

  • les sommes allouées aux rénovations énergétiques EnergieSprong dans le cadre du plan de relance;
  • les Certifications d’Économies d’Énergie (CEE) bonifiés dans le cadre d’un CPE;
  • les fonds européens Feder;
  • l’offre de prêts de la Banque des Territoire dédiée : des montants de prêts bonifiés augmentés et des maturités jusqu’à 30 ans en cohérence avec la garantie énergie neutre à 30 ans des logements EnergieSprong;
  • les aides des pouvoirs locaux, régionaux, départementaux ou des intercommunalités.

L’Union Européenne représente un réel soutien pour la France. Tout d’abord, le programme Horizon 2020 (pour la période 2014-2020) a développé le projet Transition Zéro visant à adapter la démarche néerlandaise en France. Actuellement, un nouveau projet est lancé : MustBe0. Issu du programme Interreg Nord-Ouest, le programme ambitionne l’adaptation et la faisabilité de la démarche sur des immeubles collectifs dans l’Europe du Nord-Ouest.

Ces financements sont toutefois là à titre de transition, afin d’initier la démarche et permettra l’atteinte d’économies d’échelles devant rendre, à terme, les projets auto-financés sans ressource publique.

Une évolution prometteuse

Depuis son émergence dans la rénovation du patrimoine français en 2016, la démarche EnergieSprong marque une croissance positive qui s’accélère ces derniers mois. Depuis 2016, 19 projets EnergieSprong ont vu le jour et 20 projets sont à venir.

Aux Pays-Bas, le montant des travaux par logement est passé de 145 000 € à 70 000 €. La démarche EnergieSprong se développant progressivement et efficacement en France, le coût médian d’une rénovation diminue également et se situe entre 75 000 € et 120 000 € selon la maturité de la démarche par Région et la complexité des bâtiments.

FINANCEMENT ET INDUSTRIALISATION : UNE INTERDÉPENDANCE INCONTOURNABLE

La démarche EnergieSprong repose sur l’industrialisation des composants et de la rénovation. Ce principe permet notamment de proposer une rénovation avec un meilleur coût global. C’est une question d’échelle : lorsque le volume est important, les coûts de travaux et d’exploitation peuvent être réduits, réduisant ainsi le besoin de financement.

À l’inverse, sans baisse des coûts, la rénovation de gros volumes ne pourra pas être engagée. Le financement est donc indispensable. La filière doit se développer autour de cette nouvelle démarche et de l’industrialisation : structuration, embauches, nombres de projets, réduction des coûts de rénovation…

La démarche EnergieSprong présente un modèle financier innovant et enrichi d’années en années. Aujourd’hui initiées via des ressources institutionnelles, les opérations suivent une courbe de maturité engendrant une baisse des coûts progressive qui laisse présager un point d’équilibre à terme, via la massification et le recours à des recettes nouvelles. De nombreuses opportunités s’offrent encore au marché de la rénovation en France afin de répondre aux enjeux environnementaux actuels et aux défis que la filière du bâtiment doit relever.