Télétravail : l'ADEME étudie les effets rebonds induits par cette nouvelle pratique

3/05/2023

Depuis plus de 25 ans, de nombreuses études ont démontré que le télétravail (TT) pouvait avoir des bénéfices environnementaux en réduisant les trajets domicile – bureau. Toutefois l’évaluation de ces bénéfices est complexe, les déplacements domicile-travail n’étant qu’une partie des déplacements (professionnels, autour du domicile). Le télétravail prend aussi des formes variés (à domicile, dans un tiers-lieu, etc.) si bien qu’il peut occasionner des effets rebonds qui peuvent amplifier ou a contrario atténuer voire annuler ses bénéfices environnementaux. ALTEREA décrypte pour vous l'étude de l'ADEME sur la caractérisation des effets rebonds induits par le télétravail.

En se basant sur 60 publications scientifiques à propos du télétravail et sur le retour d’expérience de 26 organisations (350 000 salariés français), l’ADEME a ainsi réalisé une étude ayant pour but d’établir un bilan environnemental quantitatif estimatif global du télétravail, évaluer l’intensité des effets rebond du télétravailleur moyen français, et de discuter des paramètres clés influençant ce bilan.

Tout d’abord, l’ADEME a établi que le bénéfice environnemental moyen lié à la réduction des déplacements domicile-travail est de 271 kgCO2e annuels par jour de télétravail hebdomadaire, ainsi télétravailler 4 jours par semaine permettrait de réduire son empreinte d’1 tCO2e par an, soit 10% de l’empreinte annuelle d’un français (9,9 tCO2e).

L’étude de l'ADEME fait état de 6 effets rebond directs :

  • Effet « Chaînes Modales » : le trajet domicile-travail permet aussi de déposer les enfants à l’école et d’aller faire ses courses, ces trajets seront donc réalisés par ailleurs, menant à une augmentation de + 67,7 kgCO2e/an/jour de TT hebdomadaire.
  • Effet « Nouvelles mobilités quotidiennes » : le véhicule restant à la maison, il est utilisable par d’autre membres de la famille.
  • Effet « Relocalisation » : le télétravail favorise l’éloignement des villes, dans des zones moins bien desservies en transports en commun obligeant l’utilisation de la voiture.
  • Effet « Logement » : consommation énergétique personnelle du télétravailleur augmente, menant à +20,7 kgCO2e/an/jour de TT hebdomadaire.
  • Effet « Bureau à la demande » : le télétravail avec conservation d’un bureau classique permet de réduire de - 6,7 kgCO2e/an/jour de TT hebdomadaire, alors qu’en appliquant le flex office cette réduction passe à -234 kgCO2e/an/jour de TT hebdomadaire.
  • Effet « Visio conférence » : le télétravail demande l’utilisation de visioconférence, pour 1 heure par jour c’est une augmentation de + 2,82 kgCO2e/an/jour de TT hebdomadaire.

L’étude présente aussi 3 effet systémiques favorables mais difficilement modélisables, que sont la réduction de la congestion routière, la flexibilité des horaires et la virtualisation des relations professionnelles (réduction des déplacement intersites, etc.).  D’autres effets rebonds jugés non modélisables ou non significatifs sont décrits tels que le doublement des équipements (siège de bureaux, second écran, etc.), l’augmentation du pouvoir d’achat des télétravailleurs, la construction de tiers-lieux ou d’agrandissement des habitations, etc.

Finalement, l'ADEME conclut que le bilan environnemental du télétravail reste favorable dans la plupart des jeux d'hypothèses et aboutit à plusieurs recommandations à mettre en place pour réduire les effets rebonds défavorables :

1. Décourager la pratique du télétravail par journée incomplète;
2. Encourager la mise en place d’un flex office organisé;
3. Promouvoir les mobilités actives ou les transports en commun pour réduire l’impact des mobilités en étoile autour du domicile du télétravailleur;
4. Face aux phénomènes de relocalisations périurbaines, rurales ou lointaines, investir dans des environnements de travail dits « full remote » (taux de télétravail > 85 %) qui limitent les allers-retours. S’agissant des politiques publiques, des mesures complémentaires pourraient être prises pour contenir l’étalement urbain et accroître l’offre de logements près des emplois;
5. Maintenir une offre de transports en commun attractive pour les non-télétravailleurs et pour éviter les reports modaux.