Performance énergétique des bâtiments : ce que change la nouvelle directive pour le parc tertiaire

12/09/2024

La nouvelle directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, adoptée en avril 2024, introduit des réformes majeures pour accélérer la rénovation du parc immobilier tertiaire et public. Elle s’inscrit dans l’objectif plus large de l’Union européenne de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 et est en ligne avec le Pacte vert européen. Les États membres, dont la France, devront transposer cette directive avant mai 2026, en adaptant leurs réglementations nationales existantes telles que la RE 2020 et le décret Tertiaire. ALTEREA vous en dit plus sur les principales mesures de cette nouvelle directive.

Des bâtiments à émissions nulles et des rénovations massives

Les bâtiments non résidentiels, tels que les bureaux, commerces, écoles et universités, devront répondre à des exigences énergétiques strictes. Le texte impose que 16 % du parc tertiaire des États membres soient rénovés d'ici à 2030, avec un objectif de 26 % d’ici à 2033. Ces rénovations concerneront les bâtiments identifiés comme les moins performants au 1er janvier 2020. Ces seuils marquent une rupture avec la réglementation actuelle en France, qui impose une réduction des consommations d'énergie de 40 % d’ici à 2030 par rapport à une période de référence choisie entre 2010 et 2019 pour les bâtiments tertiaires de plus de 1000 m².

La directive prévoit également des exemptions pour certains bâtiments, notamment les monuments historiques, lieux de culte ou bâtiments agricoles où les rénovations seraient techniquement ou économiquement irréalistes.

Vers une adaptation de la RE 2020 et du décret Tertiaire

La RE 2020, en vigueur depuis 2022 pour les bâtiments neufs, ainsi que le décret Tertiaire, imposant des réductions d’énergie dans le secteur tertiaire, constituent déjà une base solide pour la France. Cependant, des ajustements seront nécessaires pour répondre aux nouvelles exigences européennes. Christophe Rodriguez, directeur général de l’Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb), pointe plusieurs « trous dans la raquette » à combler. Par exemple, la directive européenne vise l’ensemble des bâtiments tertiaires, y compris ceux de moins de 1000 m², que le décret actuel exclut. Une extension du décret Tertiaire ou un nouveau dispositif devra donc être envisagé.


La directive impose que tous les nouveaux bâtiments construits après 2030 soient des bâtiments à émissions nulles, c'est-à-dire sans émission de carbone sur site provenant de combustibles fossiles. Ce critère de « zéro combustible fossile » devra être intégré dans la RE 2020, qui pour l'instant ne l'inclut pas explicitement. L'utilisation des énergies renouvelables produites localement, par des réseaux de chaleur ou des communautés d’énergie, deviendra indispensable pour respecter ces nouvelles exigences.

La fin programmée des chaudières à combustibles fossiles

Une autre mesure phare est l’élimination progressive des chaudières à combustibles fossiles. À partir de 2025, les États membres devront interdire les subventions pour ces systèmes et un plan de sortie définitif est fixé pour 2040. En France, les chaudières au fioul et au charbon sont déjà interdites dans les bâtiments d'habitation ou à usage professionnel mais l'abandon total des chaudières au gaz reste un défi. L’État, propriétaire de plus de 190 000 bâtiments publics, prévoit de supprimer les chaudières au fioul d’ici 2027 mais la substitution des chaudières au gaz par des pompes à chaleur est encore en discussion, notamment en raison de difficultés techniques et de performance.

Objectifs financiers et de performance énergétique

Le coût de la mise en conformité des bâtiments publics français est colossal, estimé à 142,2 milliards d’euros d’ici à 2050, soit 5,1 milliards d’euros par an. Grâce aux fonds européens, notamment via le plan de relance et REPowerEU, environ 4 milliards d’euros ont déjà été investis pour la décarbonation du parc immobilier de l’État, permettant des économies d’un térawattheure d’énergie.

En parallèle, la directive sur l'efficacité énergétique, en vigueur depuis octobre 2023, fixe des objectifs ambitieux pour le secteur public. Les bâtiments publics devront réduire leur consommation énergétique de 1,9 % par an et rénover 3 % de leur surface chauffée ou refroidie chaque année.

La nouvelle directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments impose des changements profonds dans la gestion et la rénovation du parc tertiaire. La France devra adapter sa réglementation pour répondre aux objectifs de réduction des émissions de CO₂, tout en gérant les défis financiers et techniques liés à l'abandon des énergies fossiles. Ces efforts permettront d’accélérer la transition énergétique et de rendre les bâtiments publics et privés plus sobres en énergie, contribuant ainsi à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.