Adoption de la nouvelle directive sur la performance énergétique des bâtiments

7/06/2024

En avril dernier, les États membres de l'Union européenne ont donné leur approbation finale au projet de révision de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments. Proposé par la Commission européenne le 15 décembre 2021, ce nouveau texte ambitieux vise à décarboner le parc immobilier de l'Union européenne d'ici à 2050. Après un accord provisoire atteint le 7 décembre 2023 entre le Parlement européen et le Conseil des États membres et sa validation par les eurodéputés le 12 mars 2024, la directive a franchi sa dernière étape législative avec le feu vert du Conseil de l'UE, un événement salué par la Commission européenne. ALTEREA décrypte pour vous ces nouvelles mesures.

Objectifs principaux : bâtiments à zéro émission et suppression des chaudières fossiles

La refonte de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments cible principalement les nouvelles constructions. À partir du 1er janvier 2030, tous les nouveaux bâtiments devront être à zéro émission et cette exigence s'appliquera dès le 1er janvier 2028 pour les nouveaux bâtiments publics. En outre, la directive encourage les États membres à harmoniser la pratique de l'analyse du cycle de vie (ACV) des bâtiments neufs en utilisant l'indicateur de potentiel de réchauffement planétaire (PRP). Cet indicateur prend en compte les émissions de gaz à effet de serre provenant des produits de construction ainsi que les émissions directes et indirectes pendant la phase d'utilisation. Cette approche s'inspire de la France et de sa réglementation environnementale (RE 2020) mise en place depuis 2022 pour les bâtiments neufs.

Concernant les systèmes de chauffage et de refroidissement, la directive prévoit la suppression progressive des systèmes à combustibles fossiles dans les bâtiments neufs et rénovés d'ici à 2040. À partir de 2025, les États membres ne devront plus accorder d'incitations financières pour l'installation de telles chaudières. En revanche, les subventions resteront possibles pour les systèmes de chauffage hybrides qui combinent une chaudière avec une installation solaire thermique ou une pompe à chaleur.

La France a déjà pris des mesures en ce sens. Depuis 2022, l'installation de nouvelles chaudières au fioul est interdite. De plus, le gouvernement a cessé, respectivement en 2023 et en 2024, de financer via MaPrimeRénov' et les certificats d'économies d'énergie (CEE) l'installation de chaudières à gaz à très haute performance énergétique. Parallèlement, les aides pour l'acquisition de pompes à chaleur ont été revalorisées, soutenant ainsi la transition vers des systèmes de chauffage plus durables.

Promotion des énergies renouvelables : déploiement des panneaux solaires

Si cela est possible techniquement et économiquement, les États membres devront veiller au déploiement progressif de panneaux solaires, en fonction de la taille des bâtiments. Ainsi, tous les bâtiments publics et non résidentiels neufs, dont la surface de plancher utile est supérieure à 250 m², devront être équipés de panneaux solaires au plus tard le 31 décembre 2026. Cette obligation s'étendra à tous les bâtiments résidentiels neufs et à tous les nouveaux parkings couverts physiquement adjacents aux bâtiments d'ici au 31 décembre 2029. De plus, tous les bâtiments commerciaux existants, dont la surface de plancher utile est supérieure à 500 m² et qui feront l'objet d'une rénovation importante, devront installer des panneaux solaires au plus tard le 31 décembre 2027. Enfin, les bâtiments publics existants de plus de 2 000 m² devront se conformer à cette exigence d'ici au 31 décembre 2027, ceux de plus de 750 m² d'ici au 31 décembre 2028 et ceux de plus de 250 m² d'ici au 31 décembre 2030. En mars dernier, l'association SolarPower Europe s'est réjouie de l'adoption de ces mesures par le Parlement européen, soulignant que neuf pays européens, dont la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l'Italie, l'Autriche et l'Allemagne, ont déjà mis en place des politiques similaires pouvant servir de bonnes pratiques.

Rénovation énergétique : une priorité pour les bâtiments existants

La nouvelle directive vise également à accélérer la rénovation énergétique des bâtiments de l'Union européenne. Elle prévoit la mise en place d'indicateurs communs pour les certificats de performance énergétique, semblables aux diagnostics de performance énergétique (DPE) français, basés sur la consommation moyenne d'énergie du parc immobilier de chaque pays.

Les États membres devront présenter leurs plans nationaux de rénovation d'ici à 2026. Pour les bâtiments résidentiels, ces plans devront viser une réduction de la consommation d'énergie primaire moyenne d'au moins 16 % d'ici à 2030 et de 20 à 22 % d'ici à 2035. Ces mesures devront garantir qu'au moins 55 % de cette réduction soit obtenue grâce à la rénovation des bâtiments les moins performants.

Pour les bâtiments tertiaires publics, commerciaux ou industriels, les États devront rénover 16 % des bâtiments les moins performants d'ici à 2030 et 26 % d'ici à 2033. Les plans nationaux devront également définir une trajectoire pour atteindre un parc immobilier à émissions nulles d'ici à 2050.

Ces plans de rénovation incluront des mesures pour remplacer les combustibles fossiles et déployer les installations d'énergie solaire. Les financements alloués par les États devront encourager et accompagner ces rénovations, en ciblant particulièrement « les bâtiments les moins performants, dans lesquels vit une proportion significative de ménages en situation de précarité énergétique ».

En outre, la directive introduit de nouvelles règles pour les infrastructures de mobilité durable. Elle prévoit notamment l'installation de points de recharge pour les voitures électriques dans ou à proximité des bâtiments ainsi que le précâblage ou les conduits nécessaires pour accueillir les futures infrastructures. Des espaces de stationnement pour les vélos sont également inclus. Pour les bâtiments publics, les États membres devront assurer, au plus tard le 1er janvier 2033, l'installation de précâblage pour au moins 50 % des emplacements de stationnement pour voitures.

Dérogations et adaptations nationales

À noter, les États membres auront la possibilité d'exempter certaines catégories de bâtiments des nouvelles règles. Ces exemptions concerneront notamment les bâtiments historiques, patrimoniaux, les lieux de culte ainsi que les bâtiments agricoles.

Actuellement, environ 35 % des bâtiments de l'UE ont plus de 50 ans et près de 75 % du parc immobilier est considéré comme inefficace sur le plan énergétique. En dépit de cela, le taux annuel moyen de rénovation énergétique reste faible, autour de 1 %, selon la Commission européenne. Cette révision de la directive, la seconde après celle de juin 2018, vise à rénover énergétiquement 35 millions de bâtiments dans l'Union européenne d'ici à 2030.

La nouvelle directive sera publiée au Journal officiel de l'Union européenne et entrera en vigueur dans les semaines à venir. Les États membres auront alors deux ans pour la transposer dans leur législation nationale. Toutefois, une dérogation est prévue pour les États membres ayant révisé leur DPE (certificats de performance énergétique) depuis le 1er janvier 2019, leur permettant de reporter l'harmonisation des nouvelles règles jusqu'au 31 décembre 2029. La France, qui a réformé le DPE des logements en 2021, devrait bénéficier de ce calendrier décalé.

Enfin, le Conseil de l'UE indique que la Commission réexaminera la directive d'ici à 2028, à la lumière de l'expérience acquise et des progrès réalisés au cours de sa mise en œuvre.

La révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments représente un pas décisif vers la décarbonation du secteur immobilier en Europe. En mettant l'accent sur les bâtiments à zéro émission, l'élimination progressive des chaudières fossiles et la promotion des énergies renouvelables, l'Union européenne se dote des outils nécessaires pour atteindre ses objectifs climatiques à long terme. La rénovation énergétique des bâtiments existants et le soutien aux ménages en situation de précarité énergétique sont également au cœur de cette démarche, assurant une transition énergétique juste et inclusive.