Haut Conseil pour le Climat : que dit le dernier rapport sur le secteur du bâtiment ?

16/08/2022

Le 29 juin, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a remis son rapport annuel à la première ministre, Elisabeth BORNE. Quels seront les enjeux environnementaux prioritaires du secteur du bâtiment ? ALTEREA vous explique tout.

Dans son dernier rapport intitulé « Dépasser les constats, mettre en œuvre des solutions », le HCC alerte sur les conséquences du changement climatique. « Les impacts du changement climatique s’aggravent en France, avec des effets chroniques et aigus, notamment du fait de l’intensification des extrêmes chauds exacerbés dans les villes par le phénomène d’îlot de chaleur urbain, des sécheresses, et des pluies extrêmes » avec des répercussions « humaines, matérielles et financières importantes », signale le rapport. Ces phénomènes impactent donc les bâtiments et infrastructures.

Cependant, l’autorité indépendante a salué les efforts fournis pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), notamment par les grands secteurs d’activité, principaux pollueurs. Malgré une augmentation des émissions de 6,4%, soit un total de 418 millions de tonnes d’équivalent CO2 de 2020 à 2021, ce résultat reste inférieur de 3,8% par rapport à 2019, et de 23,1% par rapport à la situation de 1990.

Le secteur du bâtiment est également concerné par cette diminution d’émissions. De 2015 à 2018, elles avaient baissé de 1,9 million de tonnes équivalent CO2 par an et seulement de 200 000 tonnes équivalent CO2 entre 2019 et 2021. Il reste encore du chemin si le bâtiment souhaite atteindre les objectifs établis par le Conseil de l’Union européenne sous présidence française dans le cadre des mesures législatives « ajustement à l’objectif 55 ». Il devra encore réduire ses émissions de 3 à 4 millions de tonnes équivalent CO2 entre 2022 et 2030.

Enrichir la RE2020

Le HCC déplore l’insuffisance des actions mises en œuvre par la France pour réduire son impact environnemental. Néanmoins, il considère satisfaisantes les mesures déjà mises en place dans le secteur du bâtiment. « Depuis 2015, on observe une baisse de la consommation finale de fioul et de gaz, et une croissance pour l'électricité et les énergies renouvelables thermiques, surtout liée au développement des pompes à chaleur » indiquent les experts. La Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) a été plébiscitée pour sa capacité à organiser les activités de la filière. Elle devra maintenant « s'adapter à la révision de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments ».

Outre la réglementation, le HCC se préoccupe du manque de visibilité autour de la pérennisation des financements dédiés à la rénovation énergétique. Les moyens « conséquents » générés dans le cadre du Plan de relance « encouragent peu les rénovations globales profondes », préférant des travaux uniques dits « mono-gestes ». Ce type de travaux est jugé non performant et contre-productif par les experts du métier. Les dispositifs comme Ma Prime rénov’ devront donc cibler en priorité les travaux « performants ». Les experts recommandent notamment d’harmoniser Ma Prime rénov’ avec d’autres régimes d’aides comme avec le Certificat d’Efficacité Energétique (CEE) pour faciliter les projets de rénovations globales. Cette proposition pourrait s’accompagner d’une « trajectoire claire du rythme des rénovations d'ici à 2050 » ainsi que la mise en place d'étapes intermédiaires. Pour mesurer l’efficacité de ces aides, une évaluation annuelle pourrait être effectuée « avec une estimation des réductions de consommation énergétique effective et des émissions relatives aux coûts » indique le rapport.

Dans la même lignée, le HCC constate un manque d’accompagnement dans le processus de suppression des passoires thermiques. Les réglementations et les aides sont, selon eux, « inadaptées ». Le plan de rénovation énergétique du parc français pourrait ainsi être compromis à cause du manque de financements dédiés dès la fin de l’année 2022. Il est recommandé de conditionner toutes les réglementations thermiques des parcs immobiliers neufs et existants à la RE2020 d’ici 2030, pour assurer une cohérence dans l’ensemble des filières. Les dispositifs d’accompagnement à la construction neuve de bâtiments résidentiels et tertiaires pourraient ainsi être aligner aux objectifs de la loi Climat et résilience « sur les zones déjà urbanisées en intégrant le zéro artificialisation nette ».

Encourager la rénovation globale

Dans son rapport, le HCC a émis plusieurs préconisations. Globalement, à l’échelle de la société et de l’économie de la France, les auteurs conseillent de décliner la planification écologique à l’ensemble des secteurs en leur attribuant des moyens humains et organisationnels plus importants. L’aspect économique devra également être pris en compte afin de positionner les objectifs de la France sur les ambitions de l’Union européenne. Concernant le plan environnemental, l’autorité souhaite accélérer le déploiement des énergies renouvelables ainsi que la sobriété des infrastructures et des pratiques.

Les préconisations liées au secteur du bâtiment reprennent donc logiquement les différents points énoncés précédemment ainsi que les demandes exprimées, depuis déjà quelques années, par de nombreux acteurs. Dans un premier temps, il est essentiel de privilégier les travaux de rénovation globale, d’accentuer l’accompagnement des ménages et d’adapter les aides en fonction des résultats attendus « et au parfait achèvement des travaux engagés ».

Les membres du HCC ont également exprimé d’autres recommandations telles que :

  • la mise en place d’une formation renforcée et orientée sur les installations de systèmes énergétiques, la construction neuve BBC (Bâtiment Basse Consommation) et la réhabilitation thermique pour les professionnels de la construction ;
  • le développement des réseaux de chaleur avec l’intégration d’au moins 75% d’énergies renouvelables (EnR). Tout comme les systèmes de froid renouvelable, les réseaux de chaleur sont régulièrement décrits comme une source d’énergie durable, fiable et locale, idéale pour l’environnement urbain.

Les nouvelles mesures du gouvernement

Suite à la remise du rapport du HCC à la première ministre Elisabeth BORNE, celle-ci a réagi via un communiqué en insistant sur le fait que son gouvernement souhaite « accélérer le développement des EnR » et que pour cela, il va présenter « des nouvelles mesures pour simplifier leur installation d'ici la fin de l'été ».

De son côté, Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique, a commencé à rassembler des groupes de travail qui ont pour mission d’instaurer la sobriété énergétique dans l’Administration, les entreprises et les ERP (Etablissements Recevant du Public). Suite aux travaux des groupes, Emmanuel MACRON a annoncé la sortie d’un plan de sobriété ayant pour objectif de réduire de 10% la consommation d’énergie d’ici deux ans par rapport à 2019. Ce plan sera présenté fin septembre. Matignon garantit également que l’ensemble des équipes ministérielles et des fonctionnaires bénéficieront d’une formation à la planification écologique.

En attendant que ces objectifs soient déclinés en 2023 dans la future Stratégie française énergie-climat (Sfec), Elisabeth BORNE lancera à partir de cet automne « une consultation publique sur le modèle énergétique de demain afin de construire une nouvelle loi de programmation sur l'énergie et le climat ». L’objectif du gouvernement est de présenter, durant la première moitié de l'année 2023, ce texte au Parlement.